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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 16:18

Mady-Liko apprend à dessiner un pinson au Centre de loisirs. De retour chez lui, il croise dans le hall de l’immeuble sa voisine, une vieille dame triste et vivant seule avec son chat ; elle va critiquer son dessin. Blessé, il ne veut plus la voir et la juge de méchante. Ne progressant plus en dessin sa maman s’inquiète et décide d’inviter la vieille dame à manger. Comment Mady-Liko va-t-il changer complètement de regard sur cette vieille dame, lui transformer la vie et faire de nouveaux progrès en dessin ?

 

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Depuis notre emménagement à Paris, nous croisons régulièrement dans notre nouvel immeuble une vieille dame habitant au deuxième étage ; elle s’appelle Madame TURJOY. Nous la voyons souvent sortir de chez elle pour aller faire ses courses ou pour chercher son courrier, mais à chacune de nos rencontres, elle est seule ou accompagnée de son chat. Je trouve que c’est triste de vivre seul, d’autant plus qu’elle reçoit rarement de la visite. De plus, elle n’a pas l’air d’apprécier son voisinage.

Un samedi, l’un de nos voisins avait prévu de fêter son anniversaire ; il avait alors pris soin de prévenir les autres habitants de l’immeuble du risque de dérangement lié au bruit que sa petite fête pourrait causer ; il avait affiché une note informative à côté des boîtes aux lettres. Et bien le soir où sa fête a eu lieu, la vieille dame s’est empressée d’aller frapper à la porte de notre voisin pour lui demander de faire moins de bruit, car cela la dérangeait, ainsi que de respecter les autres habitants de l’immeuble ! J’ai trouvé l’attitude de la vieille dame injuste et pas très sympathique ; cette soirée était exceptionnelle et elle avait été prévenue comme chacun de nous.

De plus, Madame TURJOY n’apprécie pas d’être dérangée dans son appartement par la musique que les jeunes écoutent et elle se manifeste régulièrement à leur porte pour leur demander de bien vouloir baisser le volume de leur chaîne-hifi.

De même, un mercredi, notre voisin du troisième étage avait préparé un bon plat cuisiné. Et bien cela a déplu à la vieille dame ; elle est allée frapper à sa porte pour lui faire part de son mécontentement : les mauvaises odeurs qui se dégageaient de la cuisine de notre voisin empestaient tout l’immeuble !

Maman dit que l’attitude de Mme TURJOY est probablement due au fait qu’elle vit seule et qu’elle reçoit peu de visite chez elle. Maman dit aussi qu’elle a peut-être des problèmes que l’on ignore.
 

                                               *******

En tout cas, moi je ne l’aime pas la vieille dame. Un mercredi, j’avais appris à dessiner un pinson au Centre de loisirs. Maman était venue me chercher et lorsque nous sommes arrivés dans le hall de l’immeuble, je lui ai montré mon dessin. Je m’étais appliqué pour le faire.

- Regarde le dessin que j’ai fait cet après-midi !

- Oui, il est joli ton pinson mon chéri, m’a répondu maman. 

La vieille dame était là, dans le hall de l’immeuble en train d’ouvrir sa boîte aux lettres. Nous ayant entendus, elle jeta un coup d’œil sur mon dessin.

- Pffff… Ce n’est pas un pinson que tu as dessiné ! Cela ressemble plutôt à un vieil oiseau triste et fripé, lança-t-elle d’un ton froid. De plus, il est tout maigre ton oiseau. 

A ce moment, je me suis senti blessé ; j’avais passé tout l’après-midi à essayer de dessiner un joli pinson ; je m’étais donné du mal à le faire. Et voilà que la vieille dame se permettait de juger sévèrement ce que j’avais fait. S’y connaissait-elle en dessin d’abord, pour se permettre de me critiquer de la sorte ? Devant ma mine triste, maman répondit de manière ferme :

- Madame, Mady-Liko est un enfant et il apprend à dessiner. 

La vieille dame était alors partie, sans rétorquer. Maman avait bien fait de prendre ma défense et j’étais content qu’elle m’ait protégé. Moi, je le trouvais joli mon oiseau. Pourquoi la vieille dame voyait-elle un vieil oiseau triste et fripé ? N’était-ce pas plutôt à travers son regard de vieille dame seule qu’elle voyait la tristesse plutôt que la gaieté d’un pinson ? N’était-ce pas plutôt la difficulté qu’elle avait à trouver du plaisir à vivre qui l’empêchait de voir ce qui était joli ?

 

 *******

Depuis cet épisode, chaque fois je suis retourné au Centre de loisirs, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la remarque de la vieille dame. D’ailleurs, je n’arrive même plus à bien dessiner ; c’est comme si la sévérité qu’elle avait manifestée envers moi ne me permettait pas de me laisser aller pour créer de belles images. J’ai beau essayer de faire de mon mieux, mes dessins manquent toujours de régularité, alors que ceux des autres sont plus jolis. Cela me rend triste d’être moins bon que les autres en dessin.

Du fait que la remarque de la vieille dame m’a troublé, maman a décidé de ne pas en rester là et de l’inviter à la maison. Et c’est aujourd’hui qu’elle doit nous rendre visite ! Je ne suis pas content et j’ai dit à maman que je ne comprenais pas pourquoi elle avait pris cette décision, étant donné que Madame TURJOY avait été méchante envers moi ! Maman m’a expliqué que cette dame agissait ainsi parce qu’elle devait très certainement être malheureuse. Si personne ne l’invitait ou ne se rendait chez elle, elle continuerait d’être désagréable, car elle semble n’accepter aucun plaisir de la vie, qu’il s’agisse de musique, de cuisine ou de créativité artistique. Maman est psychologue de métier et dans son cabinet, elle reçoit beaucoup de gens tristes et malheureux. Alors, je lui fais confiance, même si au fond de moi, cette vieille dame me fait peur. Mais je sais que maman saura prendre ma défense si toutefois notre voisine s’avisait de nouveau de faire preuve de méchanceté.

 

Il est 16H30. La sonnette de la porte d’entrée retentit. Maman va ouvrir la porte. Assis à une petite table dans le salon en train de dessiner, j’aperçois la silhouette de la vieille dame. Je suis mal à l’aise.

- Entrez,  je vous en prie, dit maman. 

Maman engage la conversation.

- Alors, comment allez-vous ? 

- Ca va tout doucement, répond la vieille dame, mais votre invitation me fait très plaisir.

- Oui, j’ai préparé un gâteau et j’ai pensé qu’il serait intéressant de le partager avec vous. Asseyez-vous, je vous en prie, dit maman en lui présentant une chaise. Alors, ça va doucement vous dites ?

- Oui, vous savez, ce n’est pas facile tous les jours, dit la vieille dame en baissant le regard. J’ai perdu mon mari il y a six mois et maintenant, je me retrouve seule avec mon chat, mes enfants habitant loin d’ici. Ils me rendent visite de temps en temps, mais je ne les vois pas souvent. Alors, partager ce petit moment de détente avec vous me sort un peu de mon isolement quotidien, vous comprenez ?

- Je comprends, dit maman. 

Au fur et à mesure de leur discussion, le visage de la vieille dame semble s’adoucir ; elle affiche même un petit sourire de temps en temps. Je ne l’avais encore  jamais vu sourire !

- J’ai fait un gâteau au chocolat. Aimez-vous le chocolat ? Demande maman.

- Oui, bien sûr j’adore ça, répond la vieille dame en écarquillant les yeux comme pour montrer sa gourmandise.

- Alors, prenez-en une part ! Lui dit maman en tendant le plat vers elle. 

La vieille dame se sert et pose la part de gâteau dans son assiette. Maman se sert également et tandis qu’elles commencent à manger, la sonnerie du téléphone retentit. Maman se lève pour aller répondre à l’appel.

C’est alors que, profitant de l’absence de maman, la vieille dame se dirige vers moi ! Je me sens mal à l’aise et je commence à avoir peur. Maman est partie ; si Madame TURJOY est méchante avec moi, que vais-je faire, que vais-je dire ?

- Que dessines-tu ? Me demande-t-elle.

- Je dessine une grenouille, lui dis-je d’un air coincé et pas très fier, car je me doute que mon dessin doit lui déplaire.

- Une grenouille ? Ce n’est pas facile à dessiner, me répond-elle.

- Non, c’est vrai, mais j’ai appris à le faire au Centre de loisirs, lui dis-je.

Tandis qu’elle me parle, mes coups de crayon deviennent hésitants. Elle s’en aperçoit et, posant la main sur mon épaule comme pour me rassurer me dit :

- Excuse-moi pour la remarque que je t’ai faite l’autrefois ; elle était déplacée et je n’aurais pas dû émettre une critique, me dit-elle. Et si tu me dessinais un pinson ?

- Un pinson ? Lui dis-je d’un air surpris.

- Oui et ne t’inquiète pas, je ne te jugerai pas, me répond-elle.

Alors là, je suis stupéfait ! Je croyais qu’elle n’appréciait pas mes dessins d’enfant et voilà qu’elle me demande gentiment de lui dessiner un pinson. Qu’attend-elle de mon dessin ? C’est bien curieux.

Saisissant une nouvelle feuille de papier, je commence alors à dessiner un pinson. La vieille dame s’assied à côté de moi et, prenant elle aussi une feuille de papier et un crayon se met également à dessiner un pinson.

- Tu sais, me dit-elle le nez penché sur sa feuille et traçant son dessin, lorsque j’étais jeune, je dessinais beaucoup. J’adorais ça. Mais avec le temps, les soucis, j’ai progressivement abandonné, poursuit-elle avec un air de regret.

Rapidement son dessin est terminé. Elle me le montre.

- Alors, comment trouves-tu mon pinson ? Me demande-t-elle, fière d’elle.

- Il est très beau. Il est beaucoup plus joli que le mien, lui dis-je. 

Elle sourit et me répond :

- Le tien est très joli. Voudras-tu me le donner ?

- Vous… Vous le donner ? Lui dis-je d’un air surpris et hésitant en  même temps. Mais le vôtre est bien mieux dessiné que le mien !

- Le tien est beaucoup plus riche que le mien, me répond-elle. Il représente la joie de vivre que tu es en train de faire renaître en moi en me redonnant le goût de dessiner, le goût de vivre tout simplement et que j’avais perdu. Tu sais, je suis une vieille dame, mais tu me fais voir la vie avec les yeux d’un enfant, poursuit-elle, et ça, ça n’a pas de prix.

Il y a tellement d’émotion dans les mots de la dame que je me sens à la fois touché et gêné par le fait de l’avoir jugé trop vite. Je commence à comprendre pourquoi maman me disait qu’elle devait avoir des problèmes que l’on ignorait. C’était donc vrai. Cette vieille dame a tout simplement perdu le goût de la vie en perdant son mari ; elle s’est renfermée chez elle et les plaisirs de la vie sont devenus des interdits, des choses qu’elles ne s’octroient jamais, c’est pour cela qu’elle ne pouvait pas voir dans l’image de mon pinson autre chose que ce que la vie était pour elle : la tristesse.

J’entends maman raccrocher le téléphone. La voilà qui revient et, nous voyant assis l’un à côté de l’autre s’approche de nous. Elle s’interroge.

- Tout se passe bien ? Demande-t-elle.

- Oui, tout se passe bien. Grâce à votre fils, je suis en train de reprendre goût à la vie, répond la vieille la dame à maman.

- Oui et elle m’a même demandé de lui donner mon dessin, dis-je à maman en lui montrant mon pinson.

- Ah bon ? Dit maman d’un air qui laisse ressentir la satisfaction personnelle. Et bien, je constate que vous vous êtes bien amusés.

- Oui, je vais garder son dessin chez moi ; un pinson dessiné par un enfant faisant renaître une créativité artistique est un porte-bonheur, dit la vieille dame. D’ailleurs, le pinson n’est-il pas le symbole de la joie de vivre ? Poursuit-elle. 

Tandis que maman et la vieille dame repartent s’asseoir à table, je me lève de mon siège pour aller les rejoindre ; après tout, je l’ai bien méritée ma part de gâteau ; je crois même que je prendrai deux parts !

 

L’après-midi touche à sa fin et c’est l’heure pour la vieille dame de partir.

- Ce fut un plaisir Madame. La prochaine fois, c’est moi qui vous inviterai. Je vous montrerai tous les  dessins que j’aurais alors créés, dit la vieille dame. 

Elle s’en va. Maman referme la porte.

- Tu vois Mady-Liko, je viens de refermer la porte derrière une dame à qui j’ai ouvert une porte, me lance-t-elle avec un sourire amusant et l’air satisfaite.

Elle croit peut-être que je n’avais pas remarqué son jeu de mot ?

 

 *******

Quelques temps plus tard, alors que nous sommes invités par Madame TURJOY, je suis stupéfait de voir à quel point un réel talent se cachait derrière ce masque froid qu’elle affichait encore peu de temps auparavant.

Elle reçoit désormais plus de visites et ses enfants ont prévu de venir la voir très bientôt.

Elle ne s’en prend plus après les jeunes de l’immeuble, lorsque le son de leur musique est un peu élevé, et le voisin du troisième étage peut désormais cuisiner en paix sans craindre de diffuser de mauvaises odeurs dans tout l’immeuble.

Quant à moi, j’ai grandi. Au Centre de loisirs, j’ai rattrapé le niveau de mes camarades en dessin ; je les ai même dépassés ! Mes dessins ont gagné en maturité. Ma créativité n’est plus enfermée comme elle l’était lorsque je sentais le poids du jugement de la vieille dame sur moi. Je crois que j’ai commencé à grandir le jour où la vieille dame a accepté de revivre sa jeunesse.


Texte déposé auprès de CopyrightDepot.com - Mai 2009 - Toute reproduction est interdite.

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